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POINT SUR LA FISCALITE DES BENEFICIAIRES DE BSPCE UNE SAGA FISCALE TOUJOURS A SUSPENSE APRES PLUS DE 25 ANS !

Publié le : 12/04/2024 12 avril avr. 04 2024

Initialement mis en place pour favoriser l’entrée au capital des salariés qui participent à la création de leur entreprise innovante non cotée (créée depuis moins de 7 ans), le dispositif des BSPCE a été étendu à l’ensemble des salariés et dirigeants de petites et moyennes entreprises innovantes créées depuis moins de 15 ans, puis de certaines sociétés cotées et enfin de sociétés filiales de sociétés récemment créées voire de sociétés issues de restructurations.
Cette superposition des dispositifs législatifs venant étendre le champ d’application des BSPCE et préciser leurs modalités d’attribution a été accompagnée d’une série de modifications fiscales, sans toucher aux principes d’imposition des BSPCE reposant d’une part, sur l’absence d’imposition du gain réalisé lors de l’attribution ou de l’exercice des bons et d’autre part, sur un alignement du gain net réalisé lors de la cession des titres souscrits en exercice de ces bons sur le régime des plus-values de cession de valeurs mobilières des particuliers.
Si vous avez manqué les précédentes saisons du feuilleton fiscal des BSPCE, vous trouverez ici l’occasion de suivre cette série dont on ne connaît à ce jour toujours pas la fin.

RESUME DES EPISODES PRECEDENTS  

Saisons 1 à 3 :  Bons attribués avant le 31 décembre 2017 (anc. art. 163 bis G du CGI)

Le gain net réalisé par le bénéficiaire des bons lors de la cession des titres souscrits en exercice de ces bons est imposé à l'impôt sur le revenu comme plus-value de cession de valeurs mobilières au taux de 18 % puis 19 % à compter du 1er janvier 2011, ou de 30 % lorsque le bénéficiaire exerce son activité dans la société depuis moins de trois ans à la date de la cession (à ces taux s'ajoutent les prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine).

La CSG grevant ces gains n’est jamais déductible.

Ces gains rentrent dans l’assiette des revenus soumis à la Contribution exceptionnelle sur les Hauts Revenus.
Les gains réalisés par les non-résidents font l’objet d’une retenue à la source libératoire de l’impôt sur le revenu (article 182 A ter du CGI). Celle-ci sera portée à 50 % puis    75 % pour les personnes fiscalement domiciliées dans un Etat ou un Territoire non Coopératif.

Malgré les réformes des plus-values de cession de valeurs mobilières, notamment l’entrée en vigueur en 2013 de l’imposition au barème progressif, les gains réalisés lors de la cession des titres demeurent soumis à une imposition forfaitaire de 19 % ou de          30 % pour les salariés ou dirigeants ayant peu d’ancienneté dans l’entreprise.

A compter du 7 août 2015, les salariés et dirigeants de filiales détenues à 75 % par la société émettrice peuvent bénéficier du régime des BSPCE.

Aucun abattement ne pouvait s’appliquer au gain réalisé.
 

Saisons 4 et 5 : Caractéristiques du Régime fiscal des bénéficiaires de BSPCE attribués depuis le 1er janvier 2018

  • Gain imposable
Le gain net réalisé lors de la cession des titres souscrits en exercice des BSPCE est égal à la différence entre le prix de cession des titres net de frais et taxes acquittés par le cédant et leur prix d'acquisition.
  • Modalités d’imposition
è Pour les salariés et dirigeant exerçant depuis plus de 3 ans au jour de la cession dans la société émettrice des bons ou l’une des filiales dont elle détient au moins 75 % du capital et des droits de vote, le gain net de cession est imposable :

- au taux d'imposition de 12,8 % (taux de l’impôt sur le revenu inclus dans le prélèvement forfaitaire unique) et aux prélèvements sociaux au taux global de 17,2 % ;

- soit, sur option globale, soumis au barème progressif de l'impôt sur le revenu et aux prélèvements sociaux au taux global de 17,2 % ; dans ce cas, la CSG sera déductible à hauteur de 6,8 % de la fraction nette d’abattement imposable à l’IR ;

Ces gains pourront bénéficier, le cas échéant, de l’abattement fixe « dirigeants » prévu par l'article 150-0 D ter du CGI.

Ces gains rentrent dans l’assiette des revenus soumis à la Contribution exceptionnelle sur les Hauts Revenus.

è Pour les salariés et dirigeant exerçant depuis moins de 3 ans au jour de la cession, dans la société émettrice des bons ou l’une des filiales dont elle détient au moins 75 % du capital et des droits de vote, le gain net de cession est obligatoirement imposable au taux d'imposition de 30 % (taux de l’impôt sur le revenu inclus dans le prélèvement forfaitaire unique) et aux prélèvements sociaux au taux global de 17,2 % ;

Ces gains ne pourront en aucun cas bénéficier de l’abattement fixe « dirigeants » prévu par l'article 150-0 D ter du CGI.

Ces gains rentrent dans l’assiette des revenus soumis à la Contribution exceptionnelle sur les Hauts Revenus.

è Pour les non-résidents, le taux de la retenue à la source pratiquée par la personne qui verse les fonds au vendeur (acquéreur, avocat, notaire, séquestre…) est le même que pour les résidents : 12,8 % ou 30 % selon l’ancienneté.

En revanche, pour les personnes fiscalement domiciliées dans un Etat ou un Territoire non Coopératif, le taux de la retenue est de 75 % (sauf si le débiteur apporte la preuve que les avantages ou gains correspondent à des opérations réelles qui ont principalement un objet et un effet autres que de permettre leur localisation dans un tel État ou territoire).
 

LES TROIS DERNIERS EPISODES

BSPCE ET PEA : CE 8e-3e ch. 8/12/2023 n° 482922

  • La décision :
Saisi d’un recours pour excès de pouvoir contre la décision implicite de refus du Ministre d’abroger la doctrine administrative excluant la possibilité d’inscrire dans un PEA les titres acquis en exercice de BSPCE, le Conseil d’Etat a :
 
  • Confirmé que les bons ne pouvaient pas être inscrits dans un PEA en application de l’article L 221-31 du Code monétaire et financier (depuis la loi de finances rectificative pour 2013[1],
  • Jugé qu’aucune disposition législative ou réglementaire ne fait obstacle à ce que les sommes versées sur un PEA soient employées pour l’acquisition, en exercice de tels bons, de titres éligibles au PEA,
  • Enjoint au Ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique d’abroger, les mots « ainsi que les titres souscrits en exercice de ces bons » au paragraphe no 540 et le deuxième alinéa du paragraphe no 585 des commentaires administratifs publiés le 25 septembre 2017 au bulletin officiel des finances publiques - Impôts sous la référence BOI-RPPM-RCM-40-50-20-20.
  • Les conséquences de la décision :
Les sommes figurant sur le compte espèces d’un PEA peuvent être employées pour acquérir des actions éligibles au PEA et acquises par l’exercice d’un BSPCE.
  • Questions demeurant en suspens :
  • Quel est le traitement fiscal des gains de cession de titres issus de l’exercice de bons réalisés dans le PEA ?
  • Le régime d’imposition est-il celui des gains de cession propres aux BSPCE (taxation à 12,8 % ou 30 %) ou celui des plus-values réalisées dans le cadre d’un PEA (exonération d’impôt sur le revenu) ?
Les conclusions de la rapporteure publique[2] et les premiers commentaires des auteurs[3] tendent à exclure l’application du régime d’imposition des gains de cession de titres issus de BSPCE et à réserver le régime de l’exonération des plus-values de cession, à la seule quote-part de plus-value acquise entre l’exercice de BSPCE et la cession des titres issus de cet exercice.

Autrement dit, dans l’hypothèse de titres logés ab initio dans le PEA par l’exercice des bons aux moyens des espèces figurant dans le compte PEA, la question de l’imposition du gain réalisé lors de l’attribution ou de celui réalisé lors de l’exercice du bon se pose, remettant en question le principe de l’exonération de ce gain.

To be continued…
 

BSPCE ET SURSIS D’IMPOSITION CE 8e-3e ch. 5/02/2024 n° 476309

  • La décision :
Saisi d’un recours pour excès de pouvoir contre les commentaires administratifs[4] publiés le 25 mai 2023 excluant l’application du mécanisme du sursis d’impôt visé à l’article 150-0 B du CGI aux gains réalisés lors de l’apport de titres reçus en exercice de BSPCE à une société soumise à l’IS, le Conseil d’Etat a :
 
  • Jugé qu’il ressort des travaux législatifs que le régime institué par l’article 163 Bis G du CGI vise à soumettre le gain net réalisé lors de la cession de titres souscrits en exercice de bons de souscription de parts de créateur d'entreprise au régime de droit commun des plus-values de cession de valeurs mobilières prévu aux articles 150-0 A et suivants du même code, sous la seule réserve des règles particulières de taux qu'il édicte,
  • Jugé qu’en cas d'apport à une société non contrôlée par l'apporteur de titres souscrits en exercice de tels bons, le gain résultant de cet apport n'est pas immédiatement taxable mais bénéficie du sursis d'imposition prévu par les dispositions de l'article 150-0 B du code général des impôts,
  • Annulé les commentaires administratifs contestés.
  • Les conséquences de la décision :

Les gains constatés lors de l’apport à titre pur et simple de titres issus de l’exercice de BSPCE à une société non contrôlée par l’apporteur bénéficient du régime du sursis d’imposition.
 
  • Questions demeurant en suspens :
  • Les gains constatés peuvent-ils bénéficier du régime du report d’imposition visé à l’article 150-0 B ter ?
A la lecture de la décision et des conclusions du rapporteur public [5], rien ne s’oppose à l’application du régime du report d’imposition.
            Solution à confirmer à l’occasion d’un prochain contentieux.

To be continued…
 

BSPCE ET PRIX DE SOUSCRIPTION

BOI-RSA-ES-20-40-20 mise à jour BOFIP 27/03/2024

Préparant peut-être des cas de remise en cause de l’exonération du gain réalisé lors de l’exercice de BSPCE (voire lors de l’attribution de tels bons), l’administration fiscale a mis à jour sa doctrine en venant illustrer les cas d’application de décote au prix d’acquisition des titres souscrits en exercice de BSPCE.
Elle vient ainsi compléter les dispositions de l’article 163 bis G, III du CGI aux termes duquel « le prix d'acquisition du titre souscrit en exercice du bon est fixé au jour de l'attribution par l'assemblée générale extraordinaire […]. Il est au moins égal, lorsque la société émettrice a procédé dans les six mois précédant l'attribution du bon à une augmentation de capital par émission de titres conférant des droits équivalents à ceux résultant de l'exercice du bon, au prix d'émission des titres concernés alors fixé, diminué le cas échéant d'une décote correspondant à la perte de valeur économique du titre depuis cette émission. Lorsque les droits des titres résultant de l'exercice du bon ne sont pas au moins équivalents à ceux des titres émis lors d'une telle augmentation de capital, ce prix d'émission peut également, pour déterminer le prix d'acquisition du titre souscrit en exercice du bon, être diminué le cas échéant d'une décote correspondant à cette différence. »
Cette mise à jour de la doctrine répond à une annonce faite par le ministre délégué au Numérique, concernant l’autorisation qui serait prochainement donnée par l’administration fiscale aux jeunes entreprises innovantes qui émettent des BSPCE à appliquer une décote d'illiquidité, « pour rattraper l'écart avec d'autres pays qui compromettait leur capacité à attirer des talents ».
L’administration entend ainsi apporter des précisions sur les modalités de fixation du prix d'acquisition des titres souscrits en exercice de bons de souscriptions de parts de créateur d’entreprise (BSPCE) pour indiquer que :
  • le prix d'acquisition peut être déterminé à la juste valeur des titres au jour de l'attribution des bons par l'assemblée générale extraordinaire (AGE), conformément aux méthodes financières objectives retenues en matière d'évaluation des titres ; (BOI-RSA-ES-20-40-20 n°140),
Exemple : Lorsque les périodes d’incessibilité imposées aux bénéficiaires des titres résultant de l’exercice des bons créent des situations d’illiquidité (notamment par une clause prévoyant des périodes de conservation dites de « lock-up »), elles peuvent constituer une différence de droits permettant l’application de la décote. (BOI-RSA-ES-20-40-20 n°170)
  • la différence de droits permettant l'application de la décote peut trouver son origine à la fois dans des clauses statutaires et contractuelles.
Exemple : Une clause de liquidation préférentielle issue d'un pacte d'actionnaires peut être regardée comme constitutive d'une différence de droits. (BOI-RSA-ES-20-40-20 n°175)
Malgré cet assouplissement, la doctrine maintient que l'application d'une décote par rapport au prix d'émission lors de la dernière augmentation de capital doit être justifiée par tout élément pertinent permettant d’établir la différence des droits accordés.
Il ressort de cette mise à jour que si l’administration entend faire un pas vers des valorisations plus avantageuses des prix d’acquisition des titres issus de l’exercice de BSPCE, elle n’entend pas permettre de manière systématique l’application de décotes excédant les usages (entre 0 % et 20 % actuellement constatée).
En revanche, l’on voit bien au travers de telles décotes justifiées et cadrées, l’opportunité pour l’administration d’aller rechercher une imposition du gain qui serait non causé ou imposable par dérogation (par ex. dans le cadre d’une cession de titres issus de l’exercice de BSPCE logés dans un PEA) sur le terrain des traitements et salaires, voire des revenus réputés distribués.

To be continued

Anne-Christine Maillard, Avocat associé spécialiste en Droit fiscal

[1] L n°2013-1279, 29 déc. 2013 art.13
[2] Concl. Karin Ciavaldini in RJF 2024 C 134
[3] Droit fiscal n° 13, 28 mars 2024, 210 ; La Semaine Juridique Entreprise et Affaires n° 09, 29 février 2024, 1060 ;
[4] BOI-RES-RSA-000127, BOI-RSA-ES-20-40-30 dernier alinéa du paragraphe 1 ; BOI-RPPM-PVBMI-30-10-20-10 dernier alinéa du paragraphe 1 ;
[5] Conc. Romain Victor, Droit fiscal n° 13, 28 mars 2024, comm. 211

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